Vincent Dorner, tatoueur médical à Challans.

À 45 ans, le Challandais Vincent Dorner est un tatoueur pas tout à fait comme les autres. Sa spécialité, le tatouage médical, est rare en France et consiste à masquer sous un tatouage artistique, cicatrices, brûlures et autres blessures du corps et de l’âme. Portrait.

Tatoueur depuis quelques années, Vincent officie en studio privé et son carnet de rendez-vous est aujourd’hui quasiment complet jusqu’à fin 2022. « Nous sommes peu nombreux en France dans le domaine du tatouage médical et la demande est forte. Des centres hospitaliers et des chirurgiens me recommandent à leurs patients et c’est ainsi que le contact se fait. Aujourd’hui le tatouage médical représente 80% de ce que je réalise. »
Quand on lui demande comment il est devenu tatoueur, Vincent répond « Par un heureux hasard ! Ou bien parce qu’il devait en être ainsi. »

Retour en arrière, sur le fil d’une vie.
« J’ai assez copieusement raté mes études secondaires. Comme je dessinais depuis tout gosse, j’ai fait une formation de graphiste et de PAO et je me suis retrouvé à 26 ans dans un studio qui dessinait des jaquettes de CD, dont une pour les Rita Mitsuko par exemple. Ensuite j’ai vendu des produits informatiques et travaillé dans l’immobilier. Par ailleurs ma passion a toujours été le dessin et la peinture que je pratique depuis l’âge de 6 ans jusqu’à aujourd’hui. J’ai eu la chance que quelqu’un qui connaissait mon travail artistique, me propose de peindre pour des clients, des fresques et des murs, dans des chalets à Megève et des Yachts de luxe. En parallèle, j’ai exposé à New York et Montreux en Suisse, afin d’exposer mes toiles dans de grandes galerie d’art. » (www.dornervincent.com).

Puis vient la bascule.
« Un jour, un ami me propose d’aller assister à une convention de tatouage à Saint Malo. Je ne connaissais pas ce milieu, mais je me dis pourquoi pas. Lors de la convention j’apprends beaucoup de choses sur le tatouage, les techniques, les machines, l’hygiène, je me renseigne et j’en reviens plus cultivé, mais pas forcément dans l’idée de devenir tatoueur. Mais il se trouve que cinq jours plus tard, je vois un reportage sur Arte, consacré au tatouage pour masquer les cicatrices et là, c’est l’évidence. Je sais immédiatement que c’est cela que je veux faire, le tatouage médical. »

Vincent découvre qu’il peut mêler sa passion du dessin et de la peinture, le tatouage et l’aide aux autres. L’art comme réparation des blessures, voilà le chemin qu’il veut désormais suivre.

« À partir de ce moment, comme tout bon autodidacte qui a raté ses études, au moment où il fallait les réussir, je me suis mis à travailler sans relâche, à apprendre, à me perfectionner. Quelques amis tatoueurs que je remercie, m’ont gentiment donné de leur temps et de leur savoir-faire pour me lancer sur les rails de ce dur métier. Le soir, en rentrant de mon travail dans la vente, je passais chez le boucher, je prenais des peaux de cochon et durant des heures je m’exerçais. En ce qui concerne le tatouage médical, il est très spécifique. Camoufler une cicatrice ou une brulure, cela se fait sur une peau altérée, blessée, fragile. Cela réclame un savoir-faire particulier et de la technique, seul l’expérience sera la clé du bon résultat. »

Vincent suit alors la formation obligatoire de salubrité et d’hygiène du tatouage au CHU de Nantes et réalise donc ses premiers tatouages. Puis une cliente lui demande de couvrir une cicatrice sur le sein suite à un cancer, puis une seconde, par bouche à oreille. Vincent plonge inexorablement dans le tatouage qu’il définira : « thérapeutique ».

« J’ai alors découvert pleinement toute la dimension de cette activité, l’écoute attentive des récits, des brisures, des peurs, des blessures, de clientes et de clients qui vous confient alors une responsabilité énorme. Ilsi attendent de vos gestes et de votre dessin, la clôture d’un moment de vie, une réparation voire une renaissance, suite à un accident, un cancer, une tentative de suicide, une agression. J’ai alors appris à maintenir toute mon empathie, sans me laisser engluer par le récit et les douleurs intimes des clients, comme le fait le personnel soignant ou médico-social. Apprendre à être au plus proche de celle et celui qui souffre, sans se laisser amoindrir pour autant, car ce qu’il attend de vous, c’est la force, la confiance, la concentration du geste maintenue des heures durant. »

Peu à peu des chirurgiens du Centre René Gauducheau ou de région parisienne le sollicitent. Une émission de télévision sur France 2 « Ça commence aujourd’hui » présentée par Faustine Bollaert et un article dans Ouest France, décuplent sa notoriété et sa clientèle.

« Aujourd’hui, je reçois environ 2 à 3 nouvelles demandes par jour et la demande est grandissante »
Quant à son salon, il comporte une immense représentation de la Cène, sans aucune revendication religieuse pour autant. Vincent se plait à dire qu’il cherche avant tout une belle esthétique, plutôt qu’une dimension liturgique.


Quand on lui parle de demain, Vincent plonge son regard dans le vôtre.
« J’aspire à deux choses : peindre à nouveau, ce que je ne fais plus depuis trois ans maintenant faute de temps, ce qui commence à me manquer terriblement et me consacrer uniquement au tatouage médical. Cela me permettrait de pouvoir accorder encore plus de temps à chaque client, d’être plus en lien avec les médecins. J’aime beaucoup faire un joli tatouage à quelqu’un qui aura plaisir à l’avoir sur lui, mais permettre à une femme de se mettre à nouveau en maillot de bain sur une plage, de se sentir à nouveau désirable ou permettre à un adolescent de regarder le tatouage de son poignet et non plus la cicatrice d’une tentative de suicide. Cette aide, cette satisfaction, sont sans commune mesure. »

Avant de conclure.

« Si je devais terminer mon parcours à ce jour et m’arrêter demain, pour quelques rasions que ce soit. Je n’aurai que le regret de ne pas avoir aidé encore plus de personnes. Pour le reste, je dirais que j’ai eu au moins la chance dans ma vie d’avoir pu aider, par mon art du dessin et du tatouage, à réparer les blessures esthétiques et psychologique de ces gens. »