Le Quai M : le nouvel écrin musical yonnais

La construction de Quai M est une aventure unique en France, tant les constructions de salles dédiées aux musiques actuelles sont rarissimes. Les fans de rock, rap, reggae, électro, etc. disposeront enfin d’un équipement ultra moderne, à l’architecture originale et qui plus est en plein centre-ville. 

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© Photos : David Fugère
Avant le Quai M, le FuzzIYon

Derrière la façade rouge et blanche de la petite salle de concert, située au 10, rue Pasteur, résonnent encore les notes de Noir Désir, Catherine Ringer, Les Wampas, Ty Segall, Katerine, Thiéfaine, Popa Chubby, Higelin, NTM et des centaines d’autres groupes… Selon une estimation, pas moins de 3000 concerts ont été donnés en 35 ans, dans ces locaux devenus mythiques, connus dans toute la France. Un club rock à l’anglaise, dont la jauge maximale n’excède pas 300 spectateurs, qui a pour particularité d’offrir une très grande proximité entre les artistes et le public, qui peut se masser devant la petite scène et ainsi communier à quelques centimètres des musiciens. Rare.

Le site est depuis toujours géré par une association régie par la loi de 1901, qui a reçu délégation pour exploiter des locaux appartenant à la Ville de La Roche-sur-Yon. Des bâtiments qui ont derrière eux une longue histoire…

Sans remonter, trop loin dans le temps, se trouvait là en lieu et place de l’actuelle salle de concerts un garage de réparations automobiles, exploité par un certain Louis Baudoin. Le bâtiment fut ensuite un magasin d’antiquités, puis une quincaillerie spécialisée dans la fourniture en gros de métaux, matériel de chauffage, sanitaires. En 1985, le quincailler vend les locaux à l’association de loisirs Léo-Lagrange. Les lieux sont entièrement rénovés en salle culturelle, via un chantier d’insertion accompagné et encadré par des Compagnons du Tour de France. La salle est alors multifonctionnelle. Y sont organisés aussi bien des concours de culturisme ou de coiffure, que des thés dansants, des repas de galas, des démonstrations d’instruments de musique ou des meetings politiques. Mais très vite, des problèmes financiers vont contrarier les plans de l’association Léo-Lagrange, et en 1989, la Ville rachète le bâtiment pour la somme de 1,5 million de francs. Elle en délègue la gestion et l’animation à une toute nouvelle association culturelle conventionnée : le Fuzz’Yon.

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© Photos : Ville de la Roche-sur-Yon
Pourquoi ce nom ? 

Il s’agit d’un double clin d’œil, se référant à la rivière l’Yon traversant la ville, et un style musical qui était alors en vogue à l’époque des années 1980-1990 : la musique fusion, qui empruntait à plusieurs genres rock et jazz. L’association prend alors possession des lieux, et développe son projet artistique, basé sur les valeurs de l’éducation populaire : diffusion de concerts, évidemment, mais également sensibilisations musicales et spectacles pour les enfants, locaux de répétition et studio d’enregistrement, afin d’encourager et stimuler les pratiques locales. L’idée est de permettre l’accès à la musique en particulier, et à la culture en général, du plus large public possible, grâce notamment à des tarifs bas. Le succès est au rendez-vous, en pleine embellie musicale rock sur tout le territoire français, et très vite le manque de place se fait sentir, notamment pour les locaux de répétition, de surcroît inadaptés. Dès lors l’association et la municipalité décident de l’ouverture d’un second lieu dédié aux salles de répétition et à l’administration du Fuzz’Yon, situé sous les Halles. 

Avec l’arrivée, en 2004, de celui qui est toujours le directeur du Fuzz’Yon, Benoît Benazet, l’association est labellisée SMAC (acronyme de Scènes de musiques actuelles) par l’État, via le ministère de la Culture. Il s’agit d’un dispositif national comportant un cahier des charges à respecter, lié à un projet culturel musical, qui permet aux structures labellisées d’obtenir diverses aides et subventions. Ainsi, il existe 89 SMAC en France, dont le Fuzz’Yon, qui doit tous les quatre ans renouveler son projet pour conserver sa labellisation, non acquise définitivement. Le projet artistique est pointu, avec des missions et des objectifs précis en termes d’actions à destination de différents publics (scolaires, hôpitaux, maisons d’arrêt…), une politique tarifaire, le soutien à la création et aux pratiques artistiques, culturelles, territoriales et citoyennes.
On l’aura compris, la partie concert du Fuzz’Yon n’est que la partie émergée de l’iceberg…

35 ans après sa création, les locaux étaient depuis des années devenus trop petits, inadaptés, plus dans les normes souhaitées. Et c’est le 17 février 2021 que la Ville et l’Agglomération de La Roche-sur-Yon et l’association FUZZ’YON ont signé la convention d’objectifs. 

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© Photos : David Fugère
Le FuzzIYon devient Quai M

Si le site de l’ancien collège Piobetta fut dans un premier temps pressenti pour implanter le Quai M, c’est le site de la gare et plus précisément celui de la Sernam qui remporta l’adhésion. Non seulement la proximité de la gare offre une meilleure accessibilité pour le public, mais ce quartier en pleine mutation immobilière et démographique, revit depuis quelques années, par le biais d’associations, de projets immobiliers et municipaux. Et après le lieu, le nom : suite à un sondage sur le site Internet de la Ville et de l’Agglomération de La Roche-sur-Yon, c’est « QUAI M » qui été retenu : le Quai rappelle la gare et M le mot musique, un nom qui fait sens tout en créant une identité claire. Il est fort à parier que le Quai M va tenir une  place importante dans la culture musicale à La Roche-sur-Yon et au niveau régional. Sa réalisation va permettre de pouvoir disposer d’un nouvel équipement très performant, bien plus grand :  2826 m2 de superficie totale, répartis sur trois niveaux de hauteur, avec deux salles de concert de 875 et 198 places, cinq studios de répétition, des patios, loges, bars, locaux techniques, etc.  7,87 millions d’euros sont investis dans ce chantier unique, dont 5,25 millions pour l’Agglomération yonnaise, 1 million pour le Département de la Vendée, et 713.000 € pour la Région Pays de la Loire. Les travaux seront terminés en mars 2022 et la salle inaugurée en septembre de la même année, la pandémie n’ayant pas eu trop de répercussions sur l’avancement des travaux. 

Plus qu’une nouvelle page, c’est un nouveau chapitre qui s’ouvre pour les musiques actuelles à La Roche-sur-Yon, s’assurant ainsi d’un rayonnement musical régional affirmé.

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© Photos : David Fugère

3 questions à… Chloé Bodart, architecte du quai M

« Les contraintes ont inspiré la création de la salle »

Menée par Chloé Bodart et Jules Eymard, l’agence Compagnie architecture, basée à Bordeaux, est composée de 8 à 10 personnes. Chloé Bodart a tissé pendant plus de quinze ans une collaboration fructueuse avec Patrick Bouchain et l’agence Construire. En 2008, elle crée l’agence Chloé Bodart / Construire. Jules Eymard la rejoint en tant qu’associé en 2018, la complicité et la complémentarité permettant d’aller plus loin, à deux. En 2021, l’agence prend
le nom de Compagnie architecture.

Quelles étaient vos motivations pour candidater à l’appel d’offres du Quai M ?

Il existe différentes approches dans le domaine de l’architecture, que ce soit pour des marchés privés ou publics. Ce qui nous intéresse, dans notre agence, est de penser et réaliser des projets pour le plus grand nombre, pour le public, donc, et notamment ceux en rapport avec la culture ou l’éducation. Notre agence Compagnie architecture est une des rares en France à s’être spécialisée dans les projets culturels, car ils sont à la fois complexes, exigeants, mais aussi très excitants, ce qui en fait le sel, la richesse créative. J’avais déjà porté la réalisation d’une salle de concert, La Sirène, à La Rochelle, aussi c’était une évidence de candidater pour le magnifique projet porté par la Ville et l’Agglomération de La Roche-sur-Yon ! Une centaine d’architectes avaient répondu à l’appel d’offres, nous avons été retenus parmi les cinq finalistes autorisés à concourir, puis avons donc gagné ce marché, choisi par le jury. À la fois une belle fierté et une grande joie !

Quelles ont été vos sources d’inspiration pour imaginer le Quai M ?

En premier lieu nous nous sommes basés sur les contraintes, c’est cela que j’ai aimé. Nous étions en présence d’un terrain exigu, en bordure d’une ligne SNCF très fréquentée, mais aussi dans un quartier d’habitations très proches. Il fallait prendre tout cela en compte pour imaginer un équipement, qui, forcément, serait très dense en termes de bâtiment. Il fallait aussi prendre en compte la question acoustique, à la fois en pensant aux vibrations produites par le passage des trains à quelques mètres, mais également concernant les sons produits dans la salle par les concerts. C’est ce qui nous a donné le cadre, la base, d’où l’intérêt d’être confronté à des contraintes : il faut faire avec et elles stimulent l’imagination. La question de l’acoustique nous amène à parler du béton, parce qu’aujourd’hui les normes obligent pour une salle de spectacle un volume sonore de 102 dB maximum. La gageure était donc que les spectateurs n’entendent pas les trains, et les riverains n’entendent pas les concerts donnés à l’intérieur du Quai M. Voilà pourquoi nous avons utilisé du béton, matériau qui permettait d’être assez optimum dans l’isolation acoustique. Normalement nous ne mettons pas de béton dans nos projets, nous essayons au maximum d’utiliser d’autres matériaux, comme le bois, donc là c’est la contrainte qui a induit la matérialité. Et tout ce qui n’est pas en béton pour Quai M est en bois, en verre, en métal.

Il y a plusieurs salles de musique dans le Quai M, aussi comment les isolez-vous à la fois entre elles, mais aussi vis-à-vis de l’extérieur ?

Effectivement, il y a deux salles de concert, la grande et celle plus en configuration de type club, ainsi que des salles de répétition. L’idée était bien évidemment qu’elles soient insonorisées les unes des autres, car elles seront parfois amenées à être utilisées en même temps. Voilà pourquoi les murs entre les diverses salles de musique mesureront 1 mètre d’épaisseur, et 80 cm concernant les plafonds. De quoi à la fois les rendre insonorisées de l’intérieur et de l’extérieur, c’était une des contraintes incontournables liées à la réalisation de cet équipement, qui se trouve dans un quartier très habité, à la riche histoire industrielle, notamment. Un passé qui m’a inspiré pour l’architecture extérieure du bâtiment, dont des symboles graphiques et architecturaux y font justement référence…

Quai M
94 Bd du Maréchal Leclerc
85000 La Roche-sur-Yon
02 51 06 97 70
elodie@quaim.fr
www.quai-m.fr